Chroniques

Genesis analyse Selling

We Know That We Like Genesis #24
Une série sur toutes les époques de ce groupe mythique
Publié le 11 mai 2021
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Republié le 4 avril 2023

Par André Thivierge

Selling England By The Pound, un album marquant du Genesis classique est enregistré!

À la fin août 1973, Peter Gabriel, Tony Banks, Mike Rutherford, Phil Collins et Steve Hackett terminaient les séances d’enregistrement du 5e album de Genesis.

Voici ce que les membres ont commenté sur les huit pièces de l’album en entrevues au fil des ans et ce que votre chroniqueur en pense.

Dancing With The Monlit Knight’(8:04)

Cette chanson est essentiellement composée en trois sections : une partie acoustique (avec introduction a cappela de Peter) qui a écrit la mélodie, une audacieuse partie instrumentale (créée par une improvisation du groupe) et une section finale avec une atmosphère délicate.

Peter : Il y a un sentiment grandissant de confiance dans cette pièce que j’avais commencé à écrire. J’essayais de me référer à la musique folk afin de préserver l’esprit anglais. Dans la première partie, j’essayais particulièrement d’offrir quelque chose qui faisait plus référence à Henry VIII qu’à la musique américaine.

Henry VIII

Steve : Quand ça commence, vous ne savez pas trop où la musique nous mène. Il y a cette mélodie que Peter a écrit au piano et il y a cette arabesque à la guitare qui entre dans la chanson en même temps. J’aime beaucoup le fait que l’album débute avec Peter seul quelque chose qui ressemble à une complainte écossaise. Le tout devient une réflexion romantique de l’Angleterre qui vend son histoire qui s’en va naturellement vers une fusion que nous associons davantage à l’influence américaine.

Tony : J’aime beaucoup la manière dont cette chanson débute mais ce n’est pas ma pièce favorite quoiqu’il y a beaucoup de monde qui l’aiment. C’est une pièce faible pour moi.

Peter : On a essayé ici de mélanger des éléments traditionnels avec des arrangements plus contemporains. Même la couleur de ma voix était influencée par la musique folk. Et c’était toute une transition quand le groupe se mettait à jouer par la suite. La section centrale est notable pour sa variété d’instrumentations. Tony ne joue pas seulement que du piano mais aussi de l’orgue, du Mellotron et quelques notes individuelles de synthétiseur. Mike y joue de la basse et de la guitare 12 cordes pendant que Steve va de la guitare acoustique à cordes de nylon à celle électrique où il offre sa fameuse séquence de tapping (2’35’’).

Steve : C’était la séquence la plus rapide qu’un joueur de guitare n’ait jamais joué. Vous ne pouviez pas jouer aussi vite avec les arpèges habituels (picking) mais avec cette technique utilisant les ongles, vous pouviez jouer vite de façon phénoménale. Dans la partie instrumentale, nous avions le Mellotron et la guitare qui sonnaient ensemble comme des cuivres. Dans la partie finale, l’atmosphère s’est repliée sur elle-même devenant répétitive et très évocatrice (6’17’’).

Phil : J’avais oublié toute cette partie jusqu’à ce quelqu’un me l’a jouée récemment pour utilisation dans un documentaire. J’ai demandé ce que c’était. Des fois, on oublie ces bouts de musique qui peuvent être actuellement le début de quelque chose d’autre.

Steve : Le bruit de fond vient de Peter qui joue du hautbois. Il voulait recréer un son de canard. Tout le monde improvisait excepté pour la partie de guitare 12 cordes jouée par Mike. On appelait cette partie Disney car on pensait que ça sonnait comme un dessin animé.

Peter jouant du hautbois, quelques années plus tard

Les paroles de Peter opposaient la décadence de la vieille Angleterre et son américanisation progressive tel que souligné avec la référence à la chaîne de hamburgers Wimpy Bar. Il y a plein de références historiques et sociales et beaucoup de jeux de mots.

Peter : Les paroles étaient dans un sens à propos de la commercialisation de la culture anglaise, même si nous nous vendions nous-même aux publics étrangers, y compris celui des États-Unis. Un des buts de l’album était d’offrir un regard différent à ce qui était Anglais et c’est pourquoi, le titre était approprié. C’était ma recommandation.

Mike : Je crois que c’est un de nos meilleurs titres d’album. Et le chapeau de Britannia de Peter durant la chanson était parfait sur scène.

Selon le chroniqueur

Lorsqu’il jouait la pièce en spectacle, Peter, en costume Britannia annonçait : « Je suis le canal anglais; c’est froid, exagérément mouillé. Je suis la voix de l’Angleterre avant le Daily Express. Mon nom est Britannia, voici ma chanson. Ça s’appelle Dancing With The Moonlit Night. »

Les paroles traitent de timbres verts qui étaient donnés lorsqu’on achetait des marchandises en Grande-Bretagne, incluant l’essence et l’épicerie. Ils étaient conservés dans un livre. Et lorsque plein, ils pouvaient être échangés contre des items dans un catalogue. C’est la chanson qui capture le plus le thème de l’album, s’ouvrant doucement avec la voix de Peter sans accompagnement qui est suivie par une section plus rapide avec la guitare principale jouée par Steve.

La délicate texture acoustique du début rappelle les premiers albums du groupe. La pièce est propulsée ensuite par une section centrale et largement instrumentale où Steve, offre un très créatif solo de guitare incorporant à la fois ses techniques de tapping et de picking appuyée par une course rythmique de Phil et Mike. Tony utilise le son choral de son nouveau Mellotron M400. Le solo se termine avec un riff puissant où Peter offre une présence vocale proche du Rythm & Blues.

Mellotron M400

La chanson se termine avec des guitares 12 cordes et des claviers qui mène à une sensation de vide. La raison principale est que le groupe avait l’intention de lier la pièce à The Cinema Show pour créer une longue suite de 20 minutes. Les membres en ont décidé autrement pour éviter la comparaison avec Supper’s Ready de leur album précédent. Ils ont donc décidé de séparer les pistes.

En spectacle

La pièce a été jouée en spectacle pendant la tournée de Selling en 1973-74, quelquefois avec Phil aux voix en 1978, se terminant avec la finale de The Musical Box. Les sections d’ouverture ont été jouées en 1980 (en introduction de The Carpet Crawlers) et en 1998 (avec Ray Wilson). Lors de la dernière tournée du groupe, The Last Domino en 2020-2021, Phil causera la surprise en chantant la section d’ouverture en introduction de The Carpet Crawlers. Peter la chantera une dernière fois pendant le spectacle de réunion Six Of The Best en 1982.

Dancing With The Moonlit Knight peut être entendue sur deux enregistrements officiels en spectacle. La première enregistrée au Rainbow Theatre de Londres le 20 octobre 1973, disponible dans le coffret Genesis Archives 1967-1973. Le même enregistrement a aussi été rendu disponible avec l’intro de Peter sur le disque boni Live at The Rainbow dans le coffret Genesis Live 1973-2007.

On peut aussi retrouver l’introduction de la chanson enregistrée le 13 décembre 1997 aux studios RTL à Paris en face B du simple Not About Us avec Ray Wilson.

I Know What I Like (In Your Wardrobe)(4”07’’)

Ce simple a été un premier succès modeste de Genesis au palmarès. La pièce débute avec un son synthétisé accompagné d’une rythmique de bongos. On y entend ensuite Peter parler pour introduire la pièce, suivi d’un couplet à deux voix suivant le rythme insistant de la guitare de Steve et de sitar jouée par Mike et un refrain accrocheur caractérisée par une séquence de basse de Mike.

Steve : C’était une chanson assez simple basée sur un riff de guitare que j’ai écrit. Phil et moi avions pratiqué la rythmique pendant la création de Foxtrot mais les autres membres trouvaient que ça sonnait trop comme les Beatles. Lorsqu’on a commencé à travailler sur l’album suivant, Phil et moi étions encore à jouer le riff et cette fois, le reste du groupe s’est joint à nous et la pièce a été écrite via cette improvisation.

Mike : Je crois que c’était la première fois que nous avons fait en sorte de prendre une idée simple et la développer plutôt que d’y ajouter d’autres bouts de chansons comme nous avions l’habitude de le faire.

Steve : Je me souviens qu’au mixage, Peter voulait seulement utiliser une seule voix et ne pas avoir Phil en harmonie. J’ai insisté pour qu’on y retrouve les deux voix pour avoir un effet plus immédiat et que cela sonne plus solide.

Peter : Même si on peut croire que nous avions un désir d’offrir quelque chose de plus pop avec I Know What I Like, je dois dire que cette pièce était en partie un accident. Quand nous avons tenté de produire un simple intentionnellement, on manquait notre coup. On a réalisé que, quand nous étions nous-même et laissions les choses arriver naturellement, nous avions l’air d’avoir plus de succès auprès de notre public. Il fallait que ce soit fidèle à l’essence du groupe.

Tony : Nous avons toujours aimé les chansons pop. Et même si nous étions associés à un style très progressif, on est arrivés dans le métier en jouant des pièces pop. On était finalement très heureux d’en avoir écrit une qui était très bonne. Et ça aurait été probablement un plus gros succès si nous n’avions pas le mot garde-robe dans le titre ce que personne ne comprenait.

Peter : Je n’ai jamais vraiment aimé le refrain qui était une des mélodies de Tony et après un certain temps, j’étais ennuyé. Mais j’aimais beaucoup l’interaction avec Phil dans le couplet. Et les paroles n’étaient pas celles conventionnelles des chansons pop.

Selon le chroniqueur

Cette courte et simple chanson fut leur premier et seul simple de l’album. On y entend Peter chanter Over The Garden Wall qui peut faire référence au simple fait de couper le gazon mais aussi selon plusieurs de rappeler l’époque où son premier groupe (avec Tony) au collège six ans plus tôt s’appelait The Garden Wall.

La pièce débute avec un murmure provenant du Mellotron de Tony donnant un son d’avant-garde. On entend par la même occasion un bruit de tambour africain de Peter, qui fut sa première manifestation d’intérêt envers la musique de ce continent.

Le sentiment surréel créé par la musique est amplifié par les paroles parlées de Peter proclamant qu’il est une heure et c’est l’heure du lunch. Le personnage principal, Jacob, vit en coupant le gazon et dort sur un banc de parc au soleil. Il aimerait faire plus d’argent pour s’évader, mais il est heureux de tondre les pelouses car il sait ce qu’il aime et il aime ce qu’il sait laissant entendre que le bonheur ne vient pas toujours d’obtenir le plus haut salaire possible.

 Il semble que la chanson a été écrite à propos de Jacob Finster, un roadie de Genesis entre 1971 et 1973 qui a eu de nombreux emplois durant ces années dont de tondre des gazons. La chanson est simple mais très mélodique avec son refrain très chantant développé à partir d’un riff écrit par Steve joué au sitar, appuyé par le piano électrique de Tony.

Le résultat est devenu la chanson la plus commerciale enregistrée par le groupe jusqu’à ce moment et fut un choix facile de simple. Son refrain accrocheur fut suffisamment infectieux pour donner un premier succès mineur au groupe.

En spectacle

I Know What I Like est devenu un favori sur la scène et a été jouée dans à peu près toutes les tournées du groupe sauf en 1984, 1986 et 1998.  Lors de la tournée originale en 1973-1974, Peter portait un chapeau militaire et des pailles entre les dents et mimait la conduite d’une tondeuse.

Après le départ de Peter, Genesis intégrait différentes pièces pendant la chanson pour la prolonger et permettre à Phil de faire sa fameuse jonglerie avec une tambourine.

Sur disque, on retrouve la prestation originale sur Live at the Rainbow. On entend Phil chanter celle-ci sur Second’s Out en plus d’une brève reprise de la mélodie de Stagnation (Trespass).  En 1992, on entend sur l’album The Way We Walk, The Longs la chanson intégrée à un long Old Medley. Finalement, elle réapparait sur le dernier album en spectacle, Live Over Europe 2007.

Firth of Fifth (9’37’’)

Tony : J’ai écrit l’intro de piano de cette pièce pour Foxtrot mais mes collègues ne partageaient pas vraiment mon enthousiasme à ce moment-là. Je me suis dit que je continuerais à travailler là-dessus et si les autres aimaient, je m’en servirais comme introduction.

Steve : Il y a quelque chose de presque religieux à propos de cette fameuse introduction de Tony. C’est un mélange de gospel, de blues et de classique.

  – Il y a eu des suggestions que le solo de piano avait été influencé par des théories mathématiques en raison des changements de rythmes mais ce ne fut pas le cas.

Tony : Ce ne fut pas une séquence difficile à écrire mais je n’étais pas trop sûr au départ comment je pourrais l’utiliser. Le corps de la chanson s’est développé avec des couplets et des riffs développés deux fois avec Steve doublant les notes de basse.

Steve : La basse et la guitare joués ensemble ont créé cette idée. C’était presque comme des cuivres et de l’orgue ensemble. Ça sonnait comme de la musique baroque et du Bach.

– Entre les premiers et deuxièmes couplets, il y a une variante dans la mélodie suivie d’harmonies vocales.

Steve : À 2’14’’, j’y mets de la pédale de volume pour guitare avec écho. Même si je n’étais pas autour pour l’enregistrement des voix, je crois qu’ils ont été accélérés pour sonner plus hautes qu’en réalité.

 – La longue section instrumentale est précédée par une montée de guitare de Steve avec sa pédale d’effet, de l’écho et de la réverbération.  Le thème principal est joué par Peter à la flûte, suivi par Tony au synthétiseur et Steve à la guitare.

Phil : On s’est imprégné de la chanson et ça a marché. Quand Tony est arrivé avec cela rempli de signatures rythmiques inconventionnelles, je me suis dit, c’est un cauchemar pour un batteur. Je me suis dit « Oh mon dieu, comment je vais faire pour jouer cela pour que ça sonne naturel! » Mais, on y est arrivé. Il est arrivé avec le tout entièrement écrit et nous l’avons joué sur le champ tel quel.

En 2007, Mike commentait : « On joue encore cette grande section aujourd’hui. On prend le thème principal et jouons le tout pour environ 4 minutes avec ce superbe solo de guitare jouant la mélodie et quelques lignes entre les deux. »

Steve : Quand le solo de piano devient un solo de synthétiseur (4’32’’), la section rythmique se met à jouer toutes sortes de choses extraordinaires appuyé par une furieuse ponctuation.

Tony : La façon dont le solo de guitare évolue est très intéressante parce que la partie que j’avais écrite était juste de la flûte et du piano. Ça sonnait très bien en spectacle. Avec le Mellotron qui accompagnait le tout, on se la faisait à la King Crimson.

Steve : Quand j’ai joué le solo de guitare, j’ai essayé de jouer la mélodie de Tony et je me suis dit, si j’étire les notes, ça sonnera plus oriental, plus exotique.

 – Lorsque le solo de guitare se termine, allant à un accord majeur (8’00’’), l’interaction avec la musique est si forte que cela évoque le calme après la tempête.

Steve : Je crois que c’était très visuel et descriptif, comme si nous retrouvions un espace après des sensations troubles. J’ai toujours aimé ce genre de musique avec des contrastes, l’intensité puis le calme. C’était majestueux.

Tony : Ce fut une belle contribution de Steve. On voyait qu’il trouvait ses marques. C’était plus intuitif que ce qu’il faisait autrement qui était plus calculé.

Steve : C’est le plus long et le plus connu des solos de guitare électrique de l’histoire de Genesis. Je suis très fier de la manière dont la guitare sonne même si ce n’est pas aussi parfait que je peux le faire sonner aujourd’hui.

Peter : Steve a gagné beaucoup de confiance. Firth of Fifth était une pièce de Tony lorsqu’on considère comment elle a débuté et comment elle a été bâtie mais Steve a élevé la chanson. Ce fut sa révélation comme artiste.

Selon le chroniqueur

Le titre, fidèle au style des débuts de Genesis est basé sur un jeu de mots. Le Firth of Forth est un estuaire sur la côte est de l’Écosse sur lequel la rivière Forth coule.

Les paroles, écrites par Mike et Tony sont un mélange de mythologie et de références nombreuses aux océans qui auraient causé un certain embarras à Peter et Phil lorsqu’ils ont joué la pièce dans les années suivantes.

Rivière Forth, Écosse

La chanson s’ouvre avec un solo de piano à queue de style classique de Tony qui offre des rythmiques compliquées amenant une série de puissants accords où le reste du groupe se joint à la chanson. Peter y chante les paroles romantiques de Mike et Tony à propos de la rivière écossaise qui se veut une métaphore de la vie.

À partir de 1977, au moment de l’enregistrement de l’album en spectacle Second Out, Tony laissera tomber l’introduction pour débuter avec les paroles The Path Is Clear.

Parmi les faits saillants, on y retrouve le solo de synthés de Tony, basé sur la section de piano du début et aussi ce que tous les fans considèrent comme le solo de guitare le plus connu de Genesis, joué par Steve. La pièce était originalement une section instrumentale de piano et de flûte écrite par Tony. Elle a considérablement évolué pendant les répétitions alors que le solo de guitare a remplacé la flûte. On y entend de la fluidité, de la puissance et de la majestuosité. Le tout bien secondé par la solide section rythmique de Mike et Phil. Un des  meilleurs segments instrumentaux de l’histoire de Genesis.

En spectacle

La pièce est devenue une favorite des fans avec sa structure alternant entre les sections vocales et la longue section instrumentale. Elle bénéficiera de l’ambiance des arénas et sera jouée à de nombreuses reprises d’abord avec Steve à la guitare et après son départ avec Daryl Stuermer qui reproduira son solo à la perfection. L’addition d’un deuxième batteur sera grandement bénéfique à la chanson.

More Fool Me (3’11’’)

Écrite par Mike et Phil lorsqu’ils étaient assis sur les marches extérieures du studio Island, il s’agit de la première d’une série de chansons simples qui apparaitront de plus en plus fréquemment plus tard dans l’histoire du groupe. Mike y joue de la guitare 12 cordes pendant que Phil chante principalement en falsetto cette simple chanson d’amour enregistrée avec ces deux seuls membres du groupe avec le batteur à la voix principale.

Steve : C’était correct car cela offrait une atmosphère différente. La dynamique était charmante et offrait un beau contraste au reste de l’album. C’est un peu comme lorsque je jouais Horizon sur Foxtrot. Cette chanson et I Know What I Like étaient deux interludes bienvenus de l’album qui tranchaient avec le reste de celui-ci.

Selon le chroniqueur

Phil a eu droit à sa deuxième performance solo et ajoute ses propres harmonies sur cette simple et courte balade. Compte tenu de son potentiel commercial, c’est surprenant que la pièce n’ait jamais été lancée comme un simple, peut-être en raison du fait que ce n’était pas Peter le chanteur principal. Plusieurs fans du groupe seront convaincus que Phil remplacera Peter après son départ en 1975 en raison de sa performance très correcte sur cette pièce.

On note un grand contraste avec le reste de l’album par la simplicité des arrangements, son manque de prétention et le thème qui aborde les relations personnelles.

En spectacle

La pièce n’a été jouée que durant la tournée de l’album avec Phil quittant sa batterie pour rejoindre Mike. Curieusement, malgré le départ de Peter deux ans plus tard, elle ne sera plus jamais jouée en spectacle par Genesis par la suite. On peut entendre sur disque la prestation sur Live at The Rainbow.

The Battle of Epping Forest (11’48’’)

Une pièce complexe et la plus longue de l’album (près de douze minutes) conduite par un orgue incessant et la basse Rickenbacker pendant que Tony utilise du synthétiseur à certains passages et où les voix de falsetto du refrain sont offertes par Phil. Plusieurs éléments sont repris et se croisent pour créer un tissu musical qui à certaines reprises n’est pas très convaincant.

Steve : Je ne crois que cette pièce soit entièrement un succès. Je crois que certains autres membres du groupe considèrent que c’est un échec. Phil entre autres, car il y a tellement de sections et c’est tellement compliqué. C’était pourtant une idée simple. Le tout aurait peut-être dû être fait plus simplement pour refléter les paroles. Nous ne sommes pas les seuls à avoir commis ce genre de pièces. Plusieurs groupes progressifs ont fait la même chose.

La marche du début de la chanson est très bizarre. On entend au début le son de flûte du Mellotron et les pieds de la marche proviennent de ma guitare utilisant un fuzz box, un diviseur d’octaves et un écho qui se dédoublent en eux-mêmes et qui sonnent comme de multiples échos. À la fin de la première partie (4’03’’), il y a une autre section de guitares jouant des échos multiples.

Steve : Je suis fier du son de guitare car ça précède presque les rythmes de reggae comme The Lamb Lies Down On Broadway était un présage du punk. De la même façon dont ma technique de tapping a précédé l’orientation musicale de plusieurs guitaristes américains. Le véritable problème est survenu quand Peter a enregistré les voix.

Phil : Cette pièce est un exemple classique de ce qui est arrivé précédemment avec Can-Utility and The Coastliners et Get’Em Out By Friday. On a écrit la musique et nous avions de bonnes parties contre-polyrythmiques et par la suite, Peter a pris la chanson et a écrit les paroles. Et il est venu chanter la chanson avec au moins 300 mots par ligne. Il n’y avait pas d’espace. C’est comme si l’air a été expulsé de tout cela. On aurait dû en enlever un peu. Dans le temps, on ne revenait pas en arrière pour réenregistrer. C’était un exemple classique où on perdait des fois le contrôle de la situation.

Tony : La trame sonore était très bonne. La voix aussi. Mais les deux ensembles étaient clairement en conflit. Toutefois, c’est une pièce amusante. C’était une belle idée qui donnait beaucoup de visibilité à Peter sur scène. Mais elle ne lui a pas survécu.

Peter : Ça m’a pris beaucoup de temps pour bâtir cette histoire épique, avec tous ces personnages et les scénarios. J’étais donc peu intéressé à modifier quoi que ce soit. Je crois que finalement, il y avait trop de mots. Le groove n’a pas vraiment fonctionné sur cette pièce. Si j’avais la chance de refaire la pièce aujourd’hui, je la ralentirais un peu et l’accélérerait à la fin pour un meilleur punch final.

Steve : Je crois que vous devez être un Anglais pour comprendre ce que Peter essayait de faire. Il imite par exemple un homme d’église anglais, un vicaire dans la façon dont ils avaient de prononcer leurs A, ce qui était typique d’une certaine classe de prêtres qui faisaient leur sermon d’une manière très hautaine.

Selon le chroniqueur

La pièce a été conçue comme un mini-opéra qui offre une abondance de paroles sur une musique sur-arrangée. La bataille est non seulement dans la forêt mais en est aussi une d’espace entre des arrangements très dense et les paroles remplies de mots.

Une marche traditionnelle de fanfare avec beaucoup de rythme débute la chanson créée avec la Fuzz Box de Steve. L’impact est intéressant et offre un début de chanson prometteur. En ce qui concerne les paroles, le sujet de guerre de gangs dans un parc de Londres est intéressant. Toutefois, on y entend davantage une mini-pièce de théâtre plutôt que des paroles de chanson avec les multiples personnes jouées par Peter. C’est malheureusement beaucoup trop long et ça manque de musicalité.

Selon plusieurs observateurs, l’abus d’arrangements est symptomatique de la méthode d’écriture du groupe à l’époque où les pièces musicales étaient répétées et réarrangées jusqu’au point où elles devenaient auto-suffisantes. Dès lors, Peter tentait de trouver de l’espace pour ajouter ses voix par-dessus le tout. Il a réalisé que le tout n’allait pas bien ensemble mais le groupe était rendu trop loin dans son processus de création pour revenir en arrière.

Pendant que l’histoire de la bataille devient peu satisfaisante pour l’auditeur, la section musicale est bien jouée avec quelques passages complexes. On note quelques autres chose un peu plus bizarres. C’est une pièce qui n’a pas satisfait les membres du groupe et qui est maintenant considérée comme un mariage manqué entre la musique et les voix. Heureusement, il s’agit d’une des seules longues chansons de l’histoire du groupe manquant de tension dramatique ou de progression musicale satisfaisante.

En spectacle

Sans surprise, la pièce n’a été jouée que durant la tournée de l’album et n’a jamais été reprise par la suite. On peut l’entendre sur disque sur l’album Live at the Rainbow.

After The Ordeal  (4’16’’)

Malgré ce que laisse entendre le titre, cette pièce instrumentale n’a rien avoir avec la bataille décrite dans la pièce précédente.

Steve : Je ne me souviens pas si c’était intentionnel de placer cette pièce après The Battle of Epic Forest. Je croyais que ce genre de titre pouvait dissiper toutes les tensions du reste de l’album. C’est une mélodie simple, pastorale.

 – Une pièce dont Steve est l’auteur et le musicien principal commençant à la guitare acoustique et se terminant à la guitare électrique.

Steve : Ça devait être entièrement électrique mais pour une raison que j’ignore, ça ne sonnait pas très bien. En studio, Tony est arrivé avec sa partie et sur le champ, on a décidé de commencer de manière acoustique.

 – La pièce a causé plusieurs frictions au sein du groupe.

Tony : Je n’ai jamais aimé cette pièce. J’aurais préféré qu’elle ne se retrouve pas sur l’album. Nous avons finalement décidé comme compromis de tout mettre sur le disque.

Steve : Je sais que Tony déteste la chanson et considère que c’est la pire chose qu’a fait Genesis. Je pourrais noter plusieurs autres moments qui ont été plus faibles selon moi mais je veux demeurer diplomate. Je me souviens qu’il y avait aussi un débat sur la longueur du solo de clavier dans The Cinema Show. Peter voulait l’enlever. On débattait tous un chacun sur plusieurs choses et c’était selon moi une nouvelle dynamique dans le groupe. Je me souviens que quelques membres furent surpris de me voir défendre mes arguments au même titre que les autres. À mon avis, cette pièce avait de forts moments, dont la partie finale écrite par Mike.

Selon le chroniqueur

Il s’agit d’une pièce instrumentale écrite par Steve qui débute avec de la guitare classique et du piano suivi d’un solo de guitare inspiré. La deuxième partie combine deux guitares électriques jouant en harmonie avec la flûte de Peter. Tony a indiqué lors de la réédition de l’album qu’il s’agissait de la plus faible pièce de Selling, indiquant qu’il n’a jamais été confortable avec celle-ci. Peut-être en raison de sa partition de piano qui était inutilement compliquée.

Cette pièce n’a jamais été jouée en spectacle par Genesis. Toutefois, Steve l’a offert à son public lors de sa tournée où il a repris toutes les pièces de l’album en 2019.

The Cinema Show (11’05’’)

Il s’agit d’un opéra musical clairement divisée en deux parties. La première, acoustique a été écrite par Mike et la seconde, une enlevante partie instrumentale a été écrite et jouée par le trio de Tony, Mike et Phil.

Steve : Je commence maintenant à apprécier cette pièce énormément mais dans le temps, je ne croyais pas que c’était une chanson très solide. Je réalise que c’est une favorite des fans. Probablement parce que c’est très romantique. Il y a plusieurs sections et de bonnes parties. Je ne suis pas sûr que ce qui a été choisi est ce qu’il y avait de meilleur mais ça marche très bien en spectacle.

– La structure initiale inclut deux guitares 12 cordes (jouées par Mike et Tony) avec Steve qui met la touche finale à la guitare électrique.

Steve : J’essayais de faire sonner ma guitare comme la flûte d’Ian McDonald (King Crimson) afin de créer des phrases mélodiques.

– Les deux premiers couplets sont suivis par un long interlude acoustique provenant de plusieurs instruments (2’45’’) et une mélodie à deux voix sans paroles.

Steve : Peter joue du hautbois et de la flûte, Phil joue avec un bloc de bois pendant que Mike et Tony jouent les 12 cordes. Tony avait l’habitude de les faire passer par son cabinet Leslie pour avoir un son très flou.

La première partie se termine avec un court solo (5’21’’).

Steve : La guitare et le synthétiseur jouaient ensemble. J’utilisais ma Fuzz Box et ma guitare passait via le Leslie également.

 – La section instrumentale jouée par Tony, Mike et Phil marquent un changement drastique de rythme.

Phil : C’était basé sur un rythme de guitare et de batterie 7/8. C’est quelque chose que l’on joue encore aujourd’hui.

Mike : C’était nous trois qui débutions la 2e partie. Je ne veux pas exclure Steve mais c’était nous qui improvisions ensemble. Ces moments instrumentaux comme celui-ci et l’Apocalypse in 9/8 sont devenus largement notre marque de commerce. C’était une superbe chanson en spectacle et les fans ont toujours adoré cette partie. C’était frustrant dans un sens quand Peter quittait la scène. Les fans ne savaient pas que plusieurs de leurs sections favorites n’étaient pas écrites par lui. Ils avaient tendance à croire que le chanteur principal écrivait tout. Ces parties sont restées longtemps dans nos spectacles car c’était nous qui les avions écrites. Mais comme à l’époque, tout était crédité à Genesis, on ne pouvait pas le dire.

Steve : Le seul qui ne pouvait pas faire de retouches à la musique c’était Phil. Comme c’était des rythmes compliqués, il fallait prendre ce qu’il jouait en direct.  Et il arrivait qu’il ne soit pas content car il était fatigué mais on n’avait pas le choix. Je persiste à croire que le solo de synthétiseur était trop long mais je ne peux critiquer car je n’y jouais pas du tout.

Tony : Je crois que l’instrumental de la fin était probablement le meilleur à ce point de notre carrière. Mike avait ce riff en 7/8 sur lequel j’ai improvisé longtemps pour en arriver au résultat final. Le rythme était puissant. Le climat était parfait. C’était probablement meilleur en spectacle car sur disque, il y avait cette baisse de volume pour la dernière chanson dont je ne suis pas sûr si c’était très bon. C’était quelque chose d’excitant à créer et nous en avons été très fier. Notre gérant trouvait que c’était trop différent de ce que l’on avait fait avant et voulait qu’on change cette partie. On a insisté et on a eu raison. L’avoir enlevé, ça aurait été tragique.

– Vers la fin de ce long solo de synthés, les accords deviennent majeurs (9’42’’).

Steve : J’aime beaucoup cette partie quand le Mellotron commence. Le groupe sonne encore comme un orchestre.

– La pièce ralentit pour le son final de synthé (10’30’’) qui, de façon surprenante, était une idée du batteur.

Steve : Phil avait cet air de piano et on avait essayé de l’utiliser pour une autre chanson comme de CSNY mais finalement, on l’a utilisé sur The Cinema Show.

– Les paroles étaient écrites par Tony et Mike. La première partie était inspirée de l’ouvrage de T.S. Elliot, The Waste Land.

Peter : Je n’ai pas contribué à ces paroles. C’est devenu une affaire du groupe. Même s’il avait de bonnes idées, Tony est arrivé avec des choses que j’ai refusé de chanter parce que le son des paroles et comment vous les utilisez ensemble ont autant d’importance que leur signification. Il fallait que je sois à l’aise avec ce que je devais chanter. C’est là que j’ai commencé à réaliser que c’était mieux si je m’occupais de toutes les paroles, ce que je ferai sur l’album suivant. Phil a expérimenté la même chose avec les chansons que j’ai écrites après mon départ.

Tony : C’était très populaire en spectacle. Ça sonnait très bien, particulièrement dans les dernières années alors qu’on utilisait deux batteurs.  C’était toujours un moment très fort, très entraînant même si c’était en 7/8. Mais ça sonnait si naturel que personne ne se rendait compte que le temps rythmique était non conventionnel. Pour moi, c’était un plaisir à jouer au clavier.

Selon le chroniqueur

Les paroles de cette pièce sont divisées en deux sections distinctes. La première raconte l’histoire de Roméo et Juliette des temps modernes se préparant à une sortie. La deuxième parle du père Tiresias, qui était un devin, un prophète rendu aveugle par les dieux parce qu’il aurait révélé les secrets de leur mortalité. Il fut transformé en femme pour sept ans par Hera après avoir séparé deux serpents qui copulaient avec son bâton.

Tiresias

Comme ce fut le cas pour Firth of Fifth, The Cinema Show est devenue une favorite des fans sur scène pour plusieurs années à suivre. La pièce s’ouvre avec une très belle introduction acoustique par Mike à la guitare 12 cordes. On y entend l’histoire de deux jeunes amoureux. La première section est acoustique et offre de forts moments mélodiques. La voix de Phil harmonise parfaitement celle de Peter, particulièrement pendant le refrain.

À 5’50’’, la musique s’agite pour offrir une section instrumentale jazzée avec une rythmique en 7/8 appuyée par Phil à la batterie et Mike à la basse et la guitare rythmique. Cette partie, largement écrite en session d’improvisation avec une utilisation largement inspirée du premier synthétiseur du groupe par Tony est entraînante et a été largement reprise en spectacles. La fin est cependant un peu décevante alors que le volume diminue et on y retrouve le motif de Dancing In The Moonlit Knight pour faire la transition avec la dernière chanson de l’album.

En spectacle

On retrouve de multiples incarnations en spectacle de cette pièce dont la version complète jouée, non seulement pendant la tournée du disque mais aussi pendant celles avec Phil en 1976, 1977 et 1978. La section rythmique sera reproduite dans le cadre de medleys lors des tournées subséquentes de 1981, 1982, 1983, 2007 et 2021. La section instrumentale a grandement bénéficié de la prestation simultanée de deux batteurs en spectacle.

Sur disque, on la retrouve sur la plupart des albums live. La version complète avec Peter est disponoble sur Live at The Rainbow et Phil sur Second’s Out (avec Bill Bruford comme second batteur). La section instrumentale peut-être entendue sur Three Sides Live, The Way We Walk et Live Over Europe.

Aisle of Plenty (1’32’’)

La dernière pièce est le point d’orgue de The Cinema Show et des reprises de d’autres parties de l’album. Ça débute avec le ralentissement de la pièce précédente et cela nous amène au motif de guitare utilisé par Steve au début de Dancing With The Moonlit Knight avec la mélodie reprise par Peter.

C’est une conclusion parfaite de l’album, autant musicalement qu’avec les courtes paroles, remplies de doubles sens et de jeux de mots avec une référence bizarre à Supper’s Ready (It’s scrambled eggs – répondant à la question qu’est-ce qu’il y a pour souper ?).

Peter : Cette chanson était comme la fin d’un livre. Utilisant la même mélodie et les harmonies du début de la première chanson. C’était rempli d’images de tarmac et de supermarchés. C’était ce qui se passait en Angleterre.

Steve : Peter qui chantait à la fin, l’impression de supermarchés, je trouvais cela intéressant, surtout en termes de jeux de mots. John Lennon a dit qu’il aimait cet album. Il écoutait le tout à New York. Sans aucun doute, il a aimé ces jeux de mots, les différentes voix et la fin qui reprenait comme les Beatles des bouts de l’album.

Selon le chroniqueur

L’album se termine sur un autre commentaire sur la commercialisation, reprenant le thème de Dancing with the Moonlit Knight créant un effet de fin de livre qui sera réutilisé dans de prochains albums (Trick of The Tail et Duke).

Les allées de la plénitude en question sont celles de supermarchés, remplies de victuailles. Les paroles sont remplies de sous-entendus évoquant les marques de l’époque en Grande-Bretagne. Elles contiennent plusieurs jeux de mots de Peter faisant référence aux marques de produits britanniques du temps.

La pièce se veut une coda des chansons précédentes et du disque. On peut aussi y voir le prélude de quelques instrumentaux atmosphériques que l’on trouvera sur l’album qui suivra. Cette pièce n’a jamais été jouée en spectacle par Genesis, sauf par Steve dans sa tournée reprise de l’album de 2019.

Verdict du chroniqueur sur l’album

Cet album est considéré par les fans comme le meilleur et le plus représentatif du groupe. Il s’agit sans contredit de celui qui est la référence de la période menée par Peter. Malgré quelques passages plus faibles (Battle of Epic Forest, Aisle of Plenty) l’album est en général assez bien équilibré et offre plusieurs pièces qui deviendront des classiques en spectacle. Quel sera l’impact de celui-ci lors de sa sortie ?  À suivre!

BANNIÈRE: THOMAS O’SULLIVAN
WEBMESTRE: STEVEN HENRY
RÉDAC’CHEF : MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

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