Chroniques

Musique de film ?

CHRONIQUE 434ème
De Val D’Or à Montréal
Publié  le 1er juillet 2020  

Texte de Pierre Harel

Ayant quitté Val D’Or vers 8h30 du matin, peu après le retour d’hôpital de nos deux compères, Belzé et Gerry, l’un zinzin naturel et l’autre, surnaturel, nous avons roulé jusque vers 13h sur la 117-sud sous le magnifique soleil d’une magnifique matinée, pour enfin nous arrêter à Sainte-Adèle, au Petit-Lutin, où nous avons déjeuné en excluant nos deux bizarros, l’un verdâtre et l’autre grisâtre, qui se sont abstenu d’avaler quoi que ce soit, et se sont endormis la tête appuyée sur la table. Que de souvenirs ! J’ai grandi à Sainte-Adèle, juste en bas de la côte du 10e rang, maintenant le boulevard Notre-Dame, sur les bords de la Rivière à Séraphin, dans un petit chalet deux saisons que mes parents avaient réaménagé hiver-été avec l’aide de Monsieur Eugène Latreille, menuisier génial aux coupes parfaites à vue d’œil et sans mesure.

Désaltérés et sustentés, nous avons rapidement repris la route vers 14h en direction de Montréal via la 15, pour finalement arriver à 16h rue de Bleury, où nous avions notre repaire au-dessus de la boutique d’un chapelier pour homme. Sur deux étages, avec un immense deck à l’arrière du deuxième, grande salle à manger-salon, toilette, deux chambres à coucher et au troisième, toilette, bain-douche et trois chambres à coucher. Ne nous méprenons pas ! C’était un taudis déglingué ! Mais un magnifique taudis, situé au coin des rues Ontario et de Bleury, dans le bas délabré de la ville.

Ça faisait un peu plus de deux semaines que nous étions partis jouer à Val d’Or, et le frigo était évidemment vide, surtout de bière. Wèzo, qui avait laissé sa Mustang Boss 302 stationnée à l’arrière de la bâtisse, fut réquisitionné par Pop’s Lulu pour aller acheter deux caisses de Labatt Bleu bien fraîches et des Gitanes sans filtre chez notre dépanneur habituel, coin Ontario et Amherst. Il faisait très chaud et nous étions assoiffés.

Le téléphone sonne alors que je m’affaire à nettoyer les cendriers de notre dernier party et à ramasser les bouteilles vides, avant que Wèzo ne revienne et surtout, avant que les deux esquintés qui étaient allés se coucher ne se réveillent. Je décroche, une voix de femme, avec l’accent très bcbg de Paris :

Femme –  Allo ? Je suis chez les Offenbach ?
Moi         –  Oui, plaît-il ?
Femme –  Je suis Danièle Dumoutier, l’agente européenne de Dusan Makavejev qui aimerait bien vous rencontrer. Vous connaissez Dusan Makavejev ? C’est Carole Laure qui nous a donné votre téléphone. Vous êtes Pierre Harel ? Le leader du groupe ?
Moi         –  Si on veut, oui, c’est moi, mais en réalité c’est nous tous…
Femme  –  Bon ! Mais vous connaissez Carole Laure n’est-ce pas ? Dusan veut vous rencontrer rapidement car nous serons à bord d’Air France demain matin avec Carole qui est la vedette de son nouveau film en début de tournage : Sweet Movie.
Moi        –  Oui, j’en ai entendu parler. Je connais bien Carole.
Femme –  Hahahaha, en effet, elle nous a vanté votre généreuse virilité, mais passons aux choses sérieuses : Dusan tient absolument à ce que vous fassiez la musique de Sweet Moovie. Il a écouté votre Saint-Chrone-de-Néant chez Carole et a trouvé ça génial ! Alors ? Vous êtes d’accord pour nous recevoir vers la fin de l’après-midi aujourd’hui ?
Moi        –  Oui, certainement, on parle de 18 heures ? Il est un peu plus de 16 hres. On aura des boissons rafraîchissantes et des hors-d’œuvre. Vous prendrez un taxi je présume ? Alors voici l’adresse : 2136 rue de Bleury, au-dessus d’une boutique de chapelier. À tantôt…
Femme  –  À quoi ? À qui m’avez-vous dit ?
Moi         – À tantôt…
Femme  – C’est qui ça Tantôt ? Un surnom ? Votre agent ?
Moi         – Nous n’avons pas d’agent ! Tantôt veut dire à bientôt…
Femme  – À tantôt, alors…

Aussitôt raccroché, je pars à la recherche de Pop’s Lulu pour lui annoncer l’extraordinaire nouvelle et l’envoyer chercher, à crédit, des hors-d’œuvre, des amuse-gueules et quelques bouteilles de Perrier chez nos amis restaurateurs-boulangers de Chez Pierre, rue Labelle, presque au coin de la rue Sainte-Catherine.

C’est au début de l’automne 1971, à notre retour de l’Hôtel Saint-Placide, où nous avions passé l’été en compagnie du poète Gilles Vigneault, ayant manoir jouxtant l’hôtel de Frank Cotroni, que nous avions trouvé logement à Montréal, au-dessus de Chez Pierre, ce sympathique restaurant-boulangerie, où Pop’s Lulu bénéficiait d’un solide crédit et de bonnes amitiés.

La semaine prochaine : Va chier Dusan Makavejev !

BANNIÈRE: DANIEL MARSOLAIS
WEBMESTRE: STEVEN HENRY
RÉDAC’CHEF : MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

2 Comments

2 Comments

  1. Yvon Paquette

    7 juillet 2020 at 11:43 AM

    Très bon, tellement bien raconté avec pleins de détails, j’ai déja hate de lire la suite

  2. Géo Giguere

    1 juillet 2020 at 1:32 PM

    Quelle histoire abracadabrante

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