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Michel Pagliaro – Pagliaro

Pagliaro
Michel Pagliaro
Much Records, London Records (1971)
8/10
Originalement publié le 7 septembre 2017
2800 vues
Republié le 3 mai 2021

Par Louis Bonneville

 

L’album Pagliaro : la première parution anglophone du rockeur québécois, un incontournable !

Il est bien évident qu’un nombre important d’artistes du Québec ont puisé leur inspiration dans la source sonore du rock électrique des années soixante. Tout comme l’éclair, qui est attiré par un sol rocailleux, le rock a toujours su trouver sa voie pour foudroyer l’oreille de son auditeur. Dans cette optique auditive, Michel Pagliaro est sans doute un des rockeurs qui a réussi, de façon significative, à enflammer la scène rock québécoise. Avec plus de quarante-cinq années de ses tonnes de flashs en carrière, serait-il le plus important coup de tonnerre de l’histoire provinciale de ce courant musical ?

Cet auteur, compositeur, chanteur et guitariste profite depuis un bail de sa fabuleuse discographie, catalogue personnel à en faire rougir de jalousie la tempête de rockeurs du Québec, et ce malgré le fait que son dernier album de matériel original remonte à 1988. Au moment où ces lignes sont écrites, nous attendons toujours son nouvel opus rock, qui selon les ouï-dire ou les ragots serait en création depuis ce temps. M. Michel aura donc perdu l’interminable duel fictif engagé avec un autre géant du Québec, soit Serge Fiori. Ce musicien, qui s’est plus que laissé désirer par ses fans, fit en fin de compte paraitre un nouvel album en 2014, son unique de chansons originales depuis 1986.

Ce qui laisse ainsi le rockeur seul en piste dans cet interminable marathon, où jamais on n’aurait présumé le voir lutter contre lui même dans ce sprint final vers une victoire de l’aboutissement. Bien entendu, on espère tous un dénouement favorable…

Remontons un peu plus loin dans l’échelle temporelle, soit en 1971, là où le rock était telle une rarissime perle émergente de sa coquille et se trouvant toujours à l’étape d’un fin polissage. Il s’agit d’une période où on inventait à profusion de nouvelles procédures sonores, aidées par de récents instruments électriques et électroniques mis à la disposition de tous ceux voulant tenter un peaufinage absolu de ce bijou vibrant. Avec un certain recul, on constate que l’histoire du rock fut en majorité du temps inscrite par la fougue de la jeunesse.

Ce premier vrai rockeur québécois, âgé de 23 ans, semblait à ce moment précis percevoir, à juste titre, sa voix comme un instrument pouvant chanter le joyau du rock avec un façonnage si finement roulé qu’il pourrait sans doute être propice à un scintillement à l’international.

Une entente qu’il signa avec la filière québécoise d’un nouveau label torontois nommé Much Records permit à ce premier album anglophone de Pagliaro de se faire entendre dans le Canada. Le microsillon profita aussi de quelques faibles tirages outre frontière produits par le label britannique Pye Records, qui d’ailleurs acquit les droits mondiaux de l’album excluant ceux du Canada. Leur travail permit néanmoins de hisser le simple Lovin’ you ain’t Easydans le Top 40 britannique. La réalisation de cet album fut assurée par l’excellent George Lagios, devenu au cours des années un complice considérable pour Pag. Tous les enregistrements semblent avoir été effectués dans deux studios distincts, soit aux Toronto Sound Studios sous la supervision de l’ingénieur Terry Brown, bien connu pour son travail de réalisateur pour la majorité des disques du groupe Rush.

L’autre endroit, qui s’avère moins formel, est soit Apple studios, situés au sous-sol du bâtiment de la célébrissime corporation, tel qu’inscrit sur la pochette, ou soit Abbey Road Studios, tels que relaté sur certaines biographies.

Difficile de conclure, mais chose certaine, John Mills, l’ingénieur de cette partie du projet, a travaillé dans les deux environnements et semble toujours être en service pour Abbey Road Studios. Les puissantes pièces gravées sur ce disque sont toutes signées de Pagliaro et pour la plupart en tandem avec William Finkelberg.

Parmi l’ensemble des pièces que l’on retrouve sur cet album, deux d’entre elles devinrent instantanément des classiques du répertoire de Pag, soit Rainshowers et Lovin’ you ain’t Easy, chansons parfaitement arrangées, interprétées et réalisées. À cet effet, nombre de fois j’ai constaté une incrédulité chez des auditeurs apprenant que le rockeur québécois était l’interprète de ces succès dans leurs versions originales, et non des reprises d’artistes colossalement reconnus, tel qu’on pourrait le sous-entendre.

Au sujet des pièces époustouflantes qu’on retrouve sur cet album, je ne peux m’empêcher de fabuler une scène, quasi improbable, où un Jimmy Page se retrouve par hasard, en cette même année, dans la régie d’un studio pour l’écoute de la pièce pratiquement instrumentale intitulée Theme From Ravenwood Burne. J’imagine le musicien, l’esprit allumé et subjugué, réalisant que ce morceau lui donnerait de superbes assises pour l’un de ses prochains classiques du rock. D’ailleurs, le prolifique guitariste en composait à profusion en cette période faste de sa carrière, d’autant plus qu’il s’inspirait fortement de pièces déjà existantes pour l’élaboration de certains de ses meilleurs morceaux. Le nombre de poursuites judiciaires pour plagiat, dont son groupe a dû faire face, en témoigne…

Il est fort surprenant de comparer cette pièce avec une ébauche de 1970 intitulée Jennings Farm Blues qu’on retrouve dans le disque d’extras Companion audio de Led Zeppelin III. Même si dans ce cas on ne peut conclure à un plagiat par Page, et ce en raison de l’année de création qui précède celle de Theme From Ravenwood Burne. On remarque néanmoins que la façon dont les arrangements ont été exécutés dans les deux cas est très évocatrice de similitudes, surtout si l’on porte une attention particulière aux positionnements des multiples guitares dans le spectre sonore des pièces.

Il en résulte deux impressionnants rocks vivifiés aux harmonies de guitares électriques.

En observant la couverture de la pochette, on constate d’emblée le look flamboyant de Pag. Parallèlement à cette même année de création de cet album, la voix du groupe The Doors s’éteint. Pour ceux qui sont familiers avec l’image de Jim Morrison, vous pourrez sans doute vous remémorer une session photographique bien connue où, au Griffith Observatory, le rock star accompagné d’un chien porte des verres fumés de type aviateur. Je vous mets au défi de comparer ces clichés avec la couverture de cet album et de ne pas être confondu par la ressemblance stylistique et physique des deux individus charismatiques.

En bout de parcours, difficile de ne pas positionner cet album du rockeur comme le plus accompli de sa carrière et probablement même de celui du rock au Québec. S’il avait pu profiter d’une mise en marché irréprochable à l’international, est-ce qu’aujourd’hui on considérerait cet album comme un incontournable de l’histoire du rock ?

N.B. L’édition numérique de 2011 fut rebaptisée sous le nom de Rainshowers.


Michel Pagliaro – Theme Raverwood Burne

Led Zeppelin — Jennings Farm Blues

Jim Morrison au Griffith Observatory de Los Angeles en avril 1968. Photo : Photbucket/Paul Ferrara

 

WEBMESTRE: STEVEN HENRY
RÉDAC’CHEF : MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

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