Chroniques

King Crimson roi du prog

Les Musiciens Méconnus 9
King Crimson ou Le roi Pourpre
Publié le 27 février 2022  (document exceptionnel) 

 

Par Mike Lacombe

Salut à vous tous.

Je suis très heureux de vous présenter cette chronique, qui a mis un temps énorme à se concrétiser mais qui par de grands efforts a finalement été terminé. Écrire sur le majestueux King Crimson n’est pas le plus simple qui soit. À cet effet je dois avouer, avoir lu et relu à plusieurs reprises et à chaque fois, j’y trouvais quelques failles. Mais maintenant j’y suis et je me réjouis de pouvoir vous présenter cette chronique.

King Crimson (ou le Roi Pourpre)

Pour débuter ce voyage, je vous propose de vous transporter dans l’ambiance survoltée de la fin des années 60.

Le monde commence à changer et la musique n’y fait pas exception. Dès 1966, on voyage à travers l’univers psychédélique de tous ces groupes qui expérimentent avec diverses drogues (LSD, morphine, héroïne, cocaïne et amphétamine) pour ne nommer que celles-ci. Les drogues douces sont elles aussi très présentes et plusieurs composeront de très grands hymnes sous l’influence de l’une ou l’autre de ces drogues (marijuana, hachish). Toute personne ayant consommé l’une ou l’autre de ces drogues comprend très bien ce à quoi je fais référence…

Nous sommes en 1967 et les Beatles viennent de sortir Sergeant Peppers Lonely Hearts Club Band. Pink Floyd, qui se veut le grand propulseur d’images et de sonorité, vient de pondre l’album A Saucerfull of Secrets et Bob Dylan, qui est maintenant électrique depuis deux ans, a lancé l’année précédente Blonde On Blonde, qui d’après moi est de loin son meilleur album.

À cette période de la fin des Sixties, les ingrédients sont réunis pour donner le goût à  toute une génération de jeunes musiciens comme Robert Fripp (22ans), de se trouver un groupe ou de fonder un groupe. En regardant dans les annonces classées, il vit une annonce placée par les frères Giles (Peter et Michael) qui demandaient un claviériste-chanteur pour fonder un trio. Fripp n’était certainement pas ce à quoi les frères Giles s’attendaient, mais néanmoins lors de son audition, Robert fut assez remarquable pour que les deux frères lui offrirent de les joindre.

Giles, Giles and Fripp ne furent que de courte durée, mais ont tout de même réussi à enregistrer un album, The Cheerfull Insanity of Giles, Giles and Fripp. Malgré  qu’ils embauchèrent la chanteuse Judy Dyble (Fairport Convention) et le multi-instrumentaliste Ian McDonald, Giles, Giles and Fripp se séparera en 1968. Fripp ne souhaitait plus jouer de la Pop excentrique, mais avait plutôt envie de jouer les compositions plus complexes de Ian McDonald.

In The Court of the Crimson King

Fripp, McDonald, et Michael Giles eurent vite fait de recruter Greg Lake comme chanteur et bassiste, qui lui, était un ami de Robert Fripp. Ils prirent le soin aussi d’ajouter à leur quatuor l’excellent parolier Peter Sinfield. La première mouture de King Crimson se déploya ainsi : Robert Fripp (guitares), Michael Giles (batterie et percussions), Greg Lake (voix et basse), Ian McDonald (saxophone, flûte, clarinette, clarinette basse, Mellotron, clavecin, piano, orgue, vibraphone, voix) et Pete Sinfield (parolier, éclairagiste).

1969 – de gauche à droite : Robert Fripp, Michael Giles, Greg Lake, Ian McDonald, and Peter Sinfield

C’est à ce dernier, Sinfield, que l’on doit le nom de King Crimson, et aussi à cette merveilleuse pochette de ce disque tant vénéré.

Souvent considéré comme étant l’album ayant le plus influencé la musique prog, In the court of the Crimson King, demeure à ce jour un incontournable du genre. De la toute première chanson 21st Century Schidzoid Man qui est une folie musicale insensée et pourtant tellement étincelante, marquée par des paroles absolument défoncées : ‘Cat’s foot iron claw/Neuro-surgeons scream for more/At paranoia’s poison door/Twenty first century schizoid man’….que rajouter de plus?

La jolie I talk to the Wind qui suit cette paranoïa, est en fait issue d’un démo de Giles, Giles and Fripp qui n’apparaîtra seulement que sur le disque compact The Brondesbury Tapes, sorti en 2002. Deux versions y apparaissent, l’une avec Judy Dyble à la voix et l’autre avec Peter Giles à la voix. La virtuosité de Ian McDonald sur la flûte est tout à fait remarquable dans cette chanson et le solo du milieu est extraordinaire.

Je ne ferai pas la nomenclature de toutes les chansons de cet album, mais je me dois quand même de parler de la chanson titre In the court of the Crimson King qui est de loin l’opus que je préfère sur cet album.

La magie des paroles de Pete Sinfield est absolument phénoménale. La musique, les violons (Mellotron), qui ajoutent une saveur classique et qui alimente la mélodie, le jeu de batterie de Michael Giles, sont tous les ingrédients pour faire de cette chanson un Hymne à la musique progressive. Éternelle sans aucun doute.

L’ère Progressive 

Le deuxième opus In the wake of Poseidon, est en fait un peu la continuité du premier mais avec un peu plus de fermeté (balls), qui est la marque du prog anglais. On y trouve de la mélancholie, de la beauté et de la dextérité (Musicienship). Cet album voit aussi un changement majeur de personnel. Après la 1ère tournée de King Crimson, Ian McDonald et Greg Lake quittent le groupe. McDonald ira poursuivre sa carrière aux USA et en 1976, il sera un des membres fondateurs de Foreigner. Il est décédé il y a peu de temps le 9 Février 2022.

Pour ce qui est de Greg Lake, il fut approché par le génial claviériste Keith Emerson pour former Emerson Lake and Palmer. Fripp lui demanda quand même de rester pour être le vocaliste sur le nouvel album. Lake accepta, mais avec la promesse d’être payé avec le systeme de son (P.A.) que King Crimson utilisait sur la route. Il sera aux voix pour 5 chansons.

La dernière pièce du coté A de l’album, In the wake of Poseidon, met les talents vocaux de Lake et la virtuosité de Fripp à l’avant plan de cette chanson. Lake chante une mélodie digne de I talk to the Wind et Fripp, par son jeu de guitare intelligent et exceptionnel et surtout, par sa maitrise du Mellotron, nous démontre la synergie que ces deux grands artistes avaient ensemble.

Lizard

Le troisième album du groupe est de nouveau frappé par un changement de personnel. L’album Lizard voit le jour en 1970. Le bassiste/chanteur Gordon Haskell (qui avait déjà chanté la chanson Cadence and Cascade sur l’album précédent, In the wake of Poseidon, devient le bassiste/chanteur de Crimson. Le batteur Andy McCulloch, ainsi que le saxophoniste/flutiste Mel Collins se joignirent eux aussi à King Crimson.

Keith Tippett 

Les sessions d’enregistrement furent marqués par le désintéressement de Haskell. Il finit par quitter le groupe avant la sortie de l’album. Haskell préférait de beaucoup la musique Soul et n’avait pas beaucoup d’affinités à ce rock/prog. Il intentera à Robert Fripp et à King Crimson, une poursuite qui durera 19 ans, car il argumentait n’avoir jamais reçu les royautés qui lui était dues pour les ventes de l’album. Il fut remplacé par le bassiste/chanteur Bozz Burrell.

Quand à lui, Andy McCulloch quitta rapidement le groupe après l’enregistrement de l’album. Il fut remplacé par un de ses colocs, le batteur Ian Wallace. Cette version de King Crimson se poursuivra jusqu’à l’album suivant Islands. Ils pourront finalement avoir la chance de jouer en spectacle les pièces de l’album In the Wake of Poseidon, qui n’avait jamais été jouées en show.

Petite note intéressante, dans la chanson Lizard, le bout A Prince Rupert Awakes est chanté par Ian Anderson (Yes).

Islands

Cet album a la particularité d’être le dernier avec cette configuration de musiciens et est aussi le dernier du parolier Pete Sinfield.

Pete Sinfield et Robert Fripp

Sur cet album, Sinfield y va de plusieurs paroles sur le sexe et sur les Groupies. Il dira plus tard que tout le monde écrivait sur les groupies et qu’eux ne le faisait pas, jusqu’au jour où il décida lui d’en écrire une. La devanture de l’album est imprimée d’une peinture de Pete Sinfield, et fut pensée pour la distribution nord américaine. L’album anglais et européen, est quand à lui une photo de la ‘’Nébuleuse Tréfide en Sagittaire’’.

Les initiés à King Crimson vous diront que c’est probablement l’album le plus faible de cette période. Ce qui allait suivre par contre, est tout simplement la Sainte Trilogie.

La Sainte Trilogie 

Demandez à quiconque est un maniaque de musique prog, et surtout maniaque de King Crimson, quelle est la période la plus fructueuse? et ils vous parleront sans aucune hésitation de la Sainte Trilogie qui se traduit ici par Larks’ Tongues in Aspic, Starless and Bible Black et Red.

David Cross, John Wetton, Bill Bruford, Jamie Muir et Robert Fripp

Certains parleront de In the Court of the Crimson King comme étant le meilleur album du groupe, mais la plupart iront vers ces trois albums. Les musiciens qui en font partie sont parmi les meilleurs de leurs générations. Mis à part Robert Fripp, on y retrouve John Wetton sur la basse et à la voix, Bill Bruford à la batterie et percussions, David Cross au piano, Mellotron et au violon et Jamie Muir aux percussions. Tout simplement magistral et surtout heavy à souhait. Un mélange de Jazz/Rock, de Hard Rock et de Prog intelligent. Larks’ Tongues in Aspic est le résultat d’un amalgame de petits détails qui font de cet album mon favori après Red.

Le deuxième de cette trilogie est Starless and Bible Black. Lui aussi tout aussi disjoncté, mais toujours tenu par la main de maitre de Robert Fripp. Il a su utiliser au maximum la force de ces musiciens incomparables. Dans Fracture, la guitare devient impérative et est d’une complexité sans comparaison. Fripp devient quand à moi le grand Robert Fripp dans cette chanson. Il devient un Dieu de la guitare, un musicien incroyable et aussi un producteur de grand talent.

Le troisième et non le moindre et surtout le dernier de cette fabuleuse trilogie est l’album Red. Cet album est sans aucun doute mon album favori depuis 30 ans au moins. David Cross au violon n’y fait qu’une apparition, mais on voit un retour de Ian McDonald et de Mel Collins au saxophone.

J’écris ce texte et en même temps mon vinyle de Red tourne sur ma platine et me fait voyager. Un album aux saveurs Hard/Rock, tout en étant Progressif au maximum. Oreilles sensibles, s’abstenir. Cet album est pour les fanatiques de Prog/Rock. La chanson éponyme Red débute ce voyage dans l’abysse profond du subconscient de Robert Fripp. Un hard rock puissant et délirant. Puis tout à coup, la deuxième pièce débute, et nous plongeons dans la vulnérabilité de la voix de John Wetton. Wetton est un incroyable bassiste, considéré par plusieurs comme étant l’un des meilleurs bassistes de sa génération, mais qui a aussi une voix exceptionnelle. Dans Fallen Angel, on y découvre sa voix langoureuse, qui fait penser à Greg Lake si ce n’est que par certaines de ses intonations.

Enregistrement de Red. John Wetton, David Cross, Robert Fripp et Bill Bruford

Je ne peux passer sous silence la chanson Starless qui finit l’album tout en beauté. Une pièce de 12:18 qui est tout à fait ce que l’on attend de l’expérience King Crimson. La guitare de l’intro qui est douce et simple, le saxophone alto de Ian McDonald qui est juste superbe et qui ajoute à la superbe mélodie chantée par John Wetton. Le Mellotron a une place choyée dans cette chanson, qui est très certainement ma pièce favorite de l’album. 

1974

Discipline

Le groupe auquel Robert Fripp rêvait depuis longtemps se réalise par l’entremise de Adrian Belew à la guitare et à la voix, Tony Levin au Chapman Stick, à la basse et aux back vocals et de Bill Bruford à la batterie. L’album Discipline en est un de grande qualité et est surtout l’album qui m’a fait découvrir Tony Levine sur le Chapman Stick. Levine est un musicien incomparable qui a joué avec tous les grands. Que ce soit avec Peter Gabriel, Yes, Anderson Bruford, Wakeman Howe, Liquid Trio Experiment et j’en passe, il est le Stick Man. Adrian Belew quand à lui, en est un autre avec une feuille de route très impressionnante. Il a joué avec Frank Zappa, David Bowie, Talking Heads, The Bears. Cet album est bon du début à la fin. Des sons plus modernes dus en partie aux deux guitares synths de Fripp et de Belew. Une recommandation sur cet album est la superbe Matte Kudasai. Les guitares sont brillantes et claires et la voix de Adrian Belew est lyrique et reposante.

Pays-Bas, 12 octobre 1981. Tony Levin, Bill Bruford, Adrian Belew et Robert Fripp.

Beat

Sur cet album on retrouve le même band et le même groove. La différence initiale que l’on peut percevoir à l’écoute, c’est la rapidité des chansons et le beat plus début des années 80’. Un style plus moderne avec une tendance plus New Wave/Prog. Un album intéressant et un album où Adrian Belew prend beaucoup plus de place. Sur cet album qui représente bien le début des années 80’, Bill Bruford se permet même de jouer du Synth Drum. La chanson Heartbeat a même un hook Pop très prononcé. En écoutant ces chansons, on entend très bien ce que les membres du groupe entendaient à la radio, comme le succès commercial que le groupe Yes avait réussi à obtenir après plusieurs années de vache maigre.

Un album intéressant et de son temps, mais très loin de Red et de In the Court of the Crimson King.

1984

Three of a Perfect Pair 

Cet album sera le dernier du quatuor Fripp/Belew/Levine/Bruford. Un album aux sonorités Reggae/Pop/Prog moderne. Un album avec quelques petits bijoux, mais certainement pas mon favori. La chanson la plus intéressante est celle sur laquelle Tony Levine nous démontre tout son talent sur Le Stick Bass  sur Nuages (That which passes, passes like Clouds), c’est expérimental et ma favorite de cet album grâce au grand talent de Tony Levine.

La virtuosité de Robert Fripp et d’Adrian Belew est remarquable sur Larks’ Tongues  in Aspic Part III. Fripp et Belew s’amusent à nous faire découvrir des sons jusque là jamais entendus. Probablement la deuxième meilleure chanson de cet album.

THRAK

Cet album a fait sa sortie en 1995, 11 ans après la sortie de Three of a Perfect Pair, qui lui est sorti en 1984. On y retrouve le quatuor mais avec aussi deux ajouts. Trey Gunn au Chapman Stick et la Gun Guitar et aussi Pat Mastelloto à la batterie et aux percussions. Donc, cet album en est un fait de deux guitaristes, deux bassistes et de deux batteurs.! Une expérience assez bien réussie. Malgré la non commercialité de l’album, il n’en demeure pas moins que c’est excellent.

Vrooom débute l’album avec un son de guitare à la Red ou 21st century. Un fuzz qui martèle sans arrêt et qui a un impact sur toute la chanson. Bien montée et bien rodée. Une excellente chanson. Le style King Crimson des années 70’ se reconnait facilement par cet opus. Mais définitivement ma chanson favorite de l’album est Dinausor. Une autre qui aurait pu être écrite a la grande époque du King Crimson des années 70’.

The Construkction of Light

Tony Levine et Bill Bruford ayant laissé le groupe, l’ère du double batteur et du double bassiste s’est éteinte. Donc pour revenir à la souche, rien de mieux que d’écrire un Blues hallucinant mais pas sur un air de Blues, mais sur un air de ‘’Prozakc Blues’’. La voix de Belew est tourmentée et rauque, et il s’assume amplement. Il a d’ailleurs déjà dit de ce blues que c’était le plus blues des Non Blues qu’il ait chanté. The Contrukction of light est la deuxième chanson de l’album. Un prog qui te reste dans la tête. Beaucoup de délais dans les guitares et surtout tellement tight. King Crimson à son mieux. Tout l’album a le mérite de bien se suivre. Ma chanson favorite est  Into The Frying Pan. Un essai prog/moderne à saveurs et couleurs Beatlesque. J’adore cette chanson et je la joue régulièrement dans mon auto. Une recommandation de l’oncle Mike.

The Power to Believe

Dernier album du quatuor. Un album qui se veut typique du vieux son de King Crimson. Avis à tous : ceux qui les auraient délaissés au fil du temps avec cet album, le bon vieux Crimson était de retour. Cet album est le dernier officiel paru en 2003. La chanson qui me fait encore tripper est Level five. Cette chanson se démarque par son beat non conventionnel et aussi par la grande virtuosité de ces deux guitaristes émérites. Un album qui défini bien ce qu’est King Crimson. Intéressant du début à la fin.

 

2014 – solo de trois batteries, Pat Mastelotto, Bill Rieflin et Gavin Harrison

Aujourd’hui 

Depuis le début de cette pandémie qui n’en finit plus, Robert Fripp et sa femme Toya Wilcoxx nous divertissent tous les dimanche en faisant des covers de chansons célèbres à leur façon. Ils appellent ça le ‘’Sunday Lunch’’. Je vous invite à aller découvrir ce qu’ils font. C’est complètement à l’image de Robert Fripp, Sauté et weird.

King Crimson c’est 13 albums studio et 19 albums Live. Le dernier étant sorti le 19 novembre 2021.

Rock On!

 

Fabriqué au Québec
Basé à Montréal, capitale mondiale du rock francophone

BANNIÈRE: DANIEL MARSOLAIS
WEBMESTRE: MARCO GIGUÈRE
RÉDAC’CHEF : MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

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