Chroniques

Dangereux criminels?

Chronique 435ème 
Va chier Dusan Kakavejev 
Publié le 8 juillet 2020

Texte de Pierre Harel

Nous étions tous réunis au salon du 2e étage de notre sympathique mansarde, en attente de l’arrivée du célèbre cinéaste yougoslave Dusan Makavejev : Willi, Wèzo, Johnny, Gerry, Pop’s Lulu, moi, notre soundman Belzébuth, Ginette Lafleur la blonde à Willi, et Bonbon notre nouveau groupie. Je m’étais préparé à cette rencontre prometteuse en composant rapidement le texte d’une chanson pouvant servir de thème au film Sweet Movie, dont Dusan Makavejev avait apparemment l’intention de nous offrir la composition, et l’interprétation de la trame musicale.
Voici le texte inédit de Mr. Business Son :

He got married to her
And that day
She carried in her purse
A piece of meat
Smaller than a dime
The price of time
He was Mr. Business son
The ritchest of all
Played Niagara Falls
An angel or a bitch
The puzzle of Marlene Dietrich
Was nothing compared
To the visions of Heydrich
Marilyn Monroe
Is the real hero
Président Nixon
He bought himself a gun
Burning the money
Telling future from the smoke
Reading Einstein’s bible
He got married to a Hit
And that Hit and this bit
Gave birth to the earth
Of Mr. Business son
The Golden Monkey
And his bride Virginity

Relisant ce texte écrit en 1973 et considérant ce qui se passe aujourd’hui aux USA, il me saute aux yeux que le Golden Monkey de ma chanson est une prémonition au règne de Donald Trump, le fils de Mr. Business. Il suffit de changer « President Nixon » pour « President Trump » et ces paroles vieilles de 47 ans prennent un sens hallucinant d’actualité.
Bon ! Revenons à nos moutons !
Nous attendions donc l’arrivée de cette célébrité cinématographique internationale, qu’était Dusan Makavejev, en buvant nos Labatt Bleue et en fumant quelques joints de pot, lorsque, comme à chaque fois où nous étions réunis avec de la Bleue fraîche et des cocottes odorantes de marie-jeanne, le goût de d’jammer s’imposa donc et nous installâmes nos amplis, micros, instruments, enfin notre band gear au complet, quoi !

Willi initia un d’jam à partir de Groovin, la toune que nous avions joué à Val d’Or la veille, alors que notre Gerry-B était en pleine floraison mentale piss’n’lov, et que les fleurs en plastique de ses hippies poilus lui couronnaient la tête. Cette chanson, capable de transformer une vieille fille en beauté fatale et un pauv’mec en dieu de la danse, refit son effet Val d’Orien et au bout d’une quinzaine de minutes, nous étions lancés sur la vague d’une rythmique endiablée frisant la transe, alors que Gerry, Wèzo, Willi et Johnny défonçaient le beat disco-rock de cette toune, pendant que moi et les autres bûchions sur tout ce que nous avions pu trouver, en émettant des grognements gutturaux.

Soudainement, Pop’s Lulu, qui ne tapait pas la casserole, se mit à gesticuler et à hurler que nous avions de la visite. Nous cessâmes de jouer et nous prîmes place sur les grands sofas élimés de notre très grand salon. Comme j’avais eu la précaution de placer les sofas en demi-cercle avec une vieille causeuse éculée posée au centre, Makavejev et son agente, n’eurent d’autre choix que de s’asseoir dessus après que nous eûmes terminés présentations et civilités.

Pop’s Lulu assurait le service. Nous mangeâmes, bûmes, et fumâmes en rigolant avec Danièle Dumoutier, la jolie agente française de Monsieur Makavejev, jusqu’à ce que celui-ci, outré de jalousie, interrompe nos conversations amicales et s’adresse à nous en anglais :

Makavejev – Sorry boys ! But I did not come here to loose my time with a bunch of nobodies ! I thought I could offer you a contract regarding the making of an important part of my new film Sweet Moovie, the music track, but you seem more interested in my agent than me and my film. So, Miss Dumoutier, let’s go get a supper and forget about all this. Would you tell those guys, in french, that, anyways, I don’t think they have enough talent to work for me…

À cet instant, Gerry bondit de son sofa et s’approcha, menaçant, de Makavejev, suivi de Willi, Belzébuth, Bonbon et moi et brusquement, il se mit à hurler de toutes ses forces en fonçant vers lui :

Gerry – Aye ! Toué mon fucking bastard, décâlisse avant qu’on te garroche en bas des marches. On comprend l’anglais nous autres pi des trous d’cul comme toué, on n’endure pas ça icitte. Enwèye ! Dégage ! Fuck off !

Effrayé, rouge et vert de peur, Dusan Makavejev se précipita dans les marches de l’escalier suivi de la charmante Miss Dumoutier. Dans son empressement, il manqua une marche et descendit le reste, une douzaine, sur les fesses, bondissant d’une marche à l’autre, éparpillant le contenu de son attaché-case que Mademoiselle Danièle ramassait religieusement. Arrivé en bas, il se releva péniblement, et alors que nous étions demeurés en haut, riant exagérément aux éclats comme dans notre chanson Rirolarma, il menaça d’appeler la police pendant que Miss Dumoutier enlevait la poussière de son costume avec son petit mouchoir parfumé :

Makavejev – Vous êtes de dangereux criminels, aussitôt rendu à mon hôtel j’envoie la police chez vous…

Refermant la porte du haut de l’escalier en la claquant, Gerry cria d’une voix forte :

Gerry – VA CHIER Dusan Makavejev !

La semaine prochaine : Émeute sur les Plaines

 

BANNIÈRE: DANIEL MARSOLAIS
WEBMESTRE: STEVEN HENRY
RÉDAC’CHEF : MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

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