Chroniques

Everybody’s groovin’

Chronique 436ème 
Rockhead’s Paradise
Publié le 24 juillet 2020

Texte de Pierre Harel

Nous étions à peine remis de notre esclandre avec Dusan Makavejev, la soirée s’étant prolongée tard dans la nuit et le lendemain, que, quelques jours plus tard, nous recevions un téléphone de mon ami et imprésario René Malo faisant part du désir de son associé, Guy Latraverse, de nous offrir la première partie du show d’une grande vedette française, en l’occurrence Véronique Samson, devant avoir lieu le 25 août à la Petite Bastille des Plaines d’Abraham à Québec.

Quelques spectacles d’un soir les week-ends, au Balmoral de Greenfield Park, à l’Hôtel Granby de Granby, au St-Jean de Saint-Jean d’Iberville, et nous voilà déjà rendus à la fin de juillet. Il nous restait un bon mois pour répéter notre spectacle et peaufiner quelques nouvelles, dont Promenade sur Mars , Quoi Quoi  et LHymne à l’Amour, que j’avais proposé à Gerry sachant qu’il y aurait une délégation de journalistes français au show de Véronique Samson.

Différemment de ce que Gerry aurait déclaré aux médias avant son décès, ce n’est pas sa maman qui lui a donné l’idée de chanter l’Hymne à l’Amour. C’est moi qui le lui ai très fortement suggéré même si l’idée ne lui plaisait pas au départ. C’était lui, ou moi, qui la chantait et personne d’autre. Il a fini par accepter, tout comme pour Câline de Blues, Faut que j’me Pousse et Quand les Hommes Vivront d’Amour, de mon ami Raymond Lévesque. J’ai toujours préféré la voix de Gerry à la mienne…

Les soirs de semaine, nous allions répéter dans un entrepôt situé au 2e étage d’un vieil immeuble de la rue Saint-Antoine jouxtant un grand stationnement afférent au célèbre Rockhead’s Paradise. À la mi-août, en pleine canicule, alors que nous étions lancés dans un jam session du tonnerre et que je touchais la B3, que Gerry y allait de son saxo, Will de sa basse et Wèzo de sa batterie Rogers, deux policiers du SPVM font une entrée inattendue dans notre salle de pratique. Surpris de cette intrusion, nous arrêtons de jouer pour demander aux policiers ce que nous valait leur présence :

Policier – Bonsoir Messieurs ! Arrêtez-pas de jouer ! C’est bon votre affaire ! C’est vous autres Offenbach ?
Moi – Oui c’est nous autres… Y’a-tu kekchose qui va pas ?
Policier – On a eu une plainte du Rockhead que vous empêchiez leurs clients d’entrer dans l’établissement. Recommencez à jouer et que l’un d’entre vous aille voir par la fenêtre. Vous allez comprendre…

Alors que les gars recommencent à jouer, je me dirige vers l’une des immenses fenêtres à deux volets, grandes ouvertes sur le parking et, à mon grand étonnement, je vois que l’espace est plein de danseurs se déhanchant sur notre musique qui vient à peine de repartir. Il doit y avoir au moins 200 personnes, hommes et femmes, tous Afro-Américains, ou Afro-Canadiens, mais tout le monde danse sur notre envoûtante et irrésistible Groovin ! En me voyant, les danseurs se mettent à manifester leur plaisir en applaudissant et en criant. Je fais signe aux policiers de bien vouloir s’approcher de la fenêtre et je m’adresse aux danseurs :

Moi – Mesdames et Messieurs ! Ladies’n’Gent’s ! Nous vous remercions de votre engouement pour nos beats et nos
riffs, mais le patron du Rockhead aimerait bien vous voir entrer à l’intérieur afin de pouvoir payer son loyer. We thank you for the way you love our music, but the Rockhead’s landlord would like you to get in so he could pay the rent. Okay ! So good night every body… Bonsoir tout l’monde…

Nous refermons les fenêtres donnant sur le parking et les deux policiers embarquent avec nous dans un jam rock’n’roll traditionnel, l’un à la batterie et l’autre à la guitare, Gerry demeurant à la B3, Willi à la basse, Johnny à sa 2e guitare, Wèzo aux congas avec baguettes, et moi au vocal en ressuscitant à l’improvisé mélodique, les textes de Janine, Dehors Stone  et Musika, nos premières chansons en langue dialectale québécoise.

Au bout d’une demi-heure, trois autres constables du SPVM arrivent inopinément, avec leurs instruments, pour se joindre à nous : trompette, saxophone et trombone à coulisse. Alors là les amis, ça été l’explosion ! Il y avait plusieurs voitures de police le long de la rue Saint-Antoine ainsi que dans le stationnement du Rockhead’s Paradise redevenu noir de monde dansant sur la reprise incroyable de notre Groovin, avec une section de brass d’agents de police en uniformes, que les fenêtres fermées n’arrivaient pas à contenir.

J’ouvris toutes grandes les deux immenses fenêtres à volets et les danseurs se mirent à applaudir et à crier leur joie. Je venais à peine de reprendre le micro pour chanter à l’unisson avec Gerry : « Everybody’s groovin’, Everybody’s dancin’ », qu’un superviseur du SPVM fit son entrée dans le local de pratique et que tout s’arrêta brusquement. Le superviseur, un homme d’une cinquantaine d’années, écarquillant les yeux devant ce tableau surpassant le fameux  YMCA de Village People :

Superviseur – Les constables, en bas sur le trottoir, on va se parler ! Les autres ! Ça sent la contravention pi l’potte icitte, mais on va laisser tomber la 2e plainte du Rockhead et on fouillera pas, si vous arrêtez votre pratique drêt-
là, compris ?.. Et si vous promettez d’être le house band au prochain bal de la Fraternité des policiers…
Offenbach – Oui ! Oui ! On le promet, on le promet ! C’est certain qu’on va être là ! Ça paye-tu ?
Superviseur – Bien entendu ! Mais vous allez-faire don de votre cachet de $500 pour les œuvres de la Fraternité.
Johnny – C’est quoi les œuvres ? On peux-tu savoir ?
Willi – Laisse faire Johnny ! C’est pour les pauvres… Bon ! Ok, on démanche le stock et on dit au revoir à nos amis
les policiers, et comptez pas les tours on est pas sorteux hahahahaha!

Quelques secondes plus tard, les six policiers avaient quitté et nous démontions notre équipement pour finalement tout emporter avec nous, sauf la B3 que Pop’s Lulu et nos deux roadies sur appel Jack’n’Rudy, allaient ramener à la maison le lendemain matin. Nous ne sommes jamais retournés pratiquer à cet endroit pourtant exceptionnel et n’avons pas été le house band au bal des policiers, car quelques jours plus tard nous assurions la première partie du show avorté de Véronique Samson sur Les Plaines d’Abraham et que Claude Faraldo, présent dans l’assistance, nous y offrit de tourner un film en France.

Bonne semaine !

Prochaine chronique, la 437e : LA TRICHEUSE

BANNIÈRE: DANIEL MARSOLAIS
WEBMESTRE: STEVEN HENRY
RÉDAC’CHEF : MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

3 Comments

3 Comments

  1. Geo Giguere

    26 juillet 2020 at 12:05 PM

    Jean Pellerin Félicitations Pierre très intéressant c’était plus le fun et plus smoothe dans ces années la.

  2. Geo Giguere

    26 juillet 2020 at 12:25 AM

    Texte de Pierre Harel jaime bien cet extrait !

    Nous étions à peine remis de notre esclandre avec Dusan Makavejev, la soirée s’étant prolongée tard dans la nuit et le lendemain, que, quelques jours plus tard, nous recevions un téléphone de mon ami et imprésario René Malo faisant part du désir de son associé, Guy Latraverse, de nous offrir la première partie du show d’une grande vedette française, en l’occurrence Véronique Samson, devant avoir lieu le 25 août à la Petite Bastille des Plaines d’Abraham à Québec.

    Quelques spectacles d’un soir les week-ends, au Balmoral de Greenfield Park, à l’Hôtel Granby de Granby, au St-Jean de Saint-Jean d’Iberville, et nous voilà déjà rendus à la fin de juillet. Il nous restait un bon mois pour répéter notre spectacle et peaufiner quelques nouvelles, dont Promenade sur Mars , Quoi Quoi et L‘Hymne à l’Amour, que j’avais proposé à Gerry sachant qu’il y aurait une délégation de journalistes français au show de Véronique Samson.

  3. Geo Giguere

    24 juillet 2020 at 4:34 PM

    on aura tout vu ! des flics avec des rockeurs sul party !

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