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Chimo! analysé

Chimo!
Album : Eponym
Label : Epic Records
Durée : 38:37
Année : 1970
Publié le 15 avril 2019
Vues 2,300
Republié le 6 novembre 2021

Par Louis Bonneville

Chimo! : un groupe marquant du Canadian rock

En 1969, Breen Leboeuf quitte North Bay pour se joindre au groupe torontois Chimo!. Il devient ainsi le chanteur principal de ce band aux influences psychedelic pop, progressive rock et jazz. Le réalisateur Mort Ross prend le groupe sous son aile, soit son nouveau label, Revolver Records. Rapidement, Chimo! fait paraître deux 45 tours (« Quicksilver Woman / Day After Day » et « Silken Silver Melody / Lonely Girl »). Hélas le succès est tiède.

Néanmoins, le groupe réussit à se tailler une place lors de deux importants festivals, durant l’été 1970. Le Trans Continental Pop Festival (mieux connue sous le nom The Festival Express) est un méga happening musical ambulant se déplaçant en train vers quelques villes canadiennes. De prestigieux noms sont à l’affiche : Janis Joplin, Grateful Dead, Buddy Guy, et quelques Canadiens, dont The Band, Robert Charlebois, Ian and Sylvia, Mashmakhan et… Chimo! Le groupe, toutefois, est invité uniquement à Toronto le 28 juin, soit la deuxième journée de deux ayant lieu au Canadian National Exhibition. Le Midsummer Night’s Rock Festival au Michigan State Fairground à Detroit est l’autre évènement qui marque l’été du groupe. Chimo! est de la programmation du 4 juillet avec les têtes d’affiche Alice Cooper, Catfish, Electric Circus et Rotary Connection.

À la suite de ces concerts marquants, Mort Ross obtient un contrat pour le groupe avec Epic Records et il enregistre un album (l’unique de sa carrière). En écoutant attentivement le résultat, on remarque que le groupe est fin prêt et bien soudé, mais on sent aussi qu’il y a eu de légères anicroches. On se doute bien que le temps qui leur était alloué en studio était insuffisant, ce qui nous laisse deviner que le ruban ne devait sûrement pas faire marche arrière souvent pour des reprises d’enregistrement. Du reste, cela n’affecte guère la qualité du rendu, voire lui ajoute un aspect de spontanéité live qui colle bien à l’énergie de la musique… En novembre, l’album est mis en marché par Epic aux États-Unis et par Revolver au Canada. Le disque n’eut malheureusement pas le succès escompté, malgré cette mise en marché d’envergure. En 1971, le sextet enregistre un dernier 45 tours : « In The Sea / Mowbray Cross Country Man ». Par ailleurs, le 26 octobre, il assure la première partie du groupe Chicago, au Maple Leaf Gardens de Toronto. Il s’ensuivra une courte agonie : trois membres quittent legroupe, laissant Mowbray, Leboeuf et Little en power trio pour un temps.

En rétrospective, ces rares documents audios d’un jeune Breen LeBoeuf (début vingtaine) nous invitent une fois de plus à constater l’immense capacité vocale du désormais célèbre musicien du Québec. L’apport de Leboeuf à ce projet reste indéniablement considérable. Un autre membre de Chimo! est absolument épatant : le prodigieux pianiste jazz Tony Collacott. Son parcours est surprenant. Il commence à apprendre le piano à 11 ans, et dès lors est admis au Royal Conservatory of Music. Il en sort avec un diplôme à 16 ans, annonçant une carrière très prometteuse. Mais le jeune musicien tourne déjà le dos au classique pour se consacrer au jazz. Son appétit créatif (totalement singulier) est mieux canalisé par ce style. À 14 ans, il joue avec Sarah Vaughan au Carnegie Hall. Il fonde par la suite le Tony Collacott Trio, ce qui lui permet de plonger tête première dans l’exploration de ses compositions. En revanche, une ombre destructive se manifeste sur son piano, un problème mentionné dans l’autobiographie de David Clayton Thomas… Au milieu des années soixante, David (qui deviendra le chanteur du groupe Blood, Sweat & Tears) se lie d’amitié avec le pianiste. Il y relate l’état du musicien à l’aube de ses vingt ans : « Il était un junkie à l’héroïne désespérément épuisé, jouant dans les clubs de jazz de Yorkville. Il était une épave totale, un sérieux fumeur, un accro aux pilules et un patient ambulatoire de l’hôpital psychiatrique de la rue Queen. Il était sous surveillance médicale constante, autodestructeur, suicidaire et brillant. Un talent comme le sien n’était pas destiné à durer. » Les deux alliés musicaux fusionnent (avec d’autres musiciens) sous le nom de David Clayton Thomas & The Bossmen. Ils écrivent et enregistrent en 1966 la chanson « Brainwashed » qui se classe dans le top 20 Canadian. On peut facilement imaginer l’état problématique de Collacott quatre ans plus tard, lors de l’enregistrement de l’album de Chimo!. Le reste du cheminement du musicien demeure obscur; il rendit l’âme le 1er septembre 2014. Il avait 68 ans…

L’album eut droit à une réédition numérique en 1995, avec quelques chansons supplémentaires. Comme la mise en marché fut très timide, depuis, le disque est épuisé. Pour les collectionneurs investigateurs, ce fait insolite mérite d’être rapporté : en 2016, chez un disquaire ambulant d’un festival musical à Loreley, en Allemagne, je mis la main sur un exemplaire vinyle original (version USA Epic) encore sous cellophane. Impressionné de voir ce disque en Europe, mais surtout perplexe, je posai quelques questions à ce disquaire. Il m’expliqua que dans les années quatre-vingts, un marchand allemand avait acheté un lot considérable de disques invendus au fil du temps par CBS et que dans un plein conteneur, il avait fait traverser l’Atlantique à cette marchandise.

Bref, cet album, même méconnu, est très significatif de cette époque du Canadian rock. Il peut facilement s’élever à niveau (à la gauche) des deux albums classiques du groupe The Guess Who de 1970, soit American Woman et Share The Land.

Enfin, une fausse information circule sur le Web au sujet de la chanson demo « Hour Glass » d’Elton John. On prétend à tort qu’elle est celle de Chimo! écrite par trois de ses membres : Tony Collacott, Jack Mowray et Breen Leboeuf. En fait, les seules ressemblances entre ces deux pièces sont l’époque et le titre.

© 2019


Tony Collacott en 1970
Photo : Toronto Star
Prise par : Dick Darrell

 

Un lien vers YouTube pour l’écoute d’un extrait de l’album :
Un lien vers YouTube pour l’écoute d’un extrait de l’album :

 

BANNIÈRE: DANIEL MARSOLAIS
WEBMESTRE: STEVEN HENRY
RÉDAC’CHEF: MURIEL MASSÉ
ÉDITEUR: GÉO GIGUÈRE

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